Je recopie intégralement l'article du Soir tel que publié par Colette Braeckman dans son blog :
"Le rendez vous de la “fête du livre” à Kinshasa
Que d’échanges, que de débats, de rencontres ! Durant une semaine, trois hauts lieux de la culture à Kinshasa (le centre culturel français, le lycée français et belge, le Centre Wallonie Bruxelles et l’Espace Bilembo, récemment créé) ont accueilli un évènement exceptionnel : la première « fête du livre » jamais organisée dans la capitale congolaise.
Au départ, l’initiative émane d’une poignée de professeurs du Lycée français de Kinshasa. Soucieux d’ouvrir l’esprit de leurs élèves, de leur faire mieux connaître le pays où ils vivent, sa culture et son imaginaire, ils ont eu l’idée d’inviter une trentaine d’auteurs de romans, de nouvelles, de bandes dessinée, des Congolais mais aussi des Français, des Belges, un Suisse, à présenter leurs ouvrages et à débattre de sujets qui se sont avérés plus brûlants qu’il n’y paraît : comment écrire sur le Congo, que représente encore, un siècle plus tard, la formule de Joseph Conrad, devenue un cliché que les nationaux récusent, « le cœur des ténèbres »…
Parmi les « internationaux » on retrouva donc nos compatriotes Lieve Joris (« mon oncle au Congo »… fraîchement revenue d’un long séjour en Chine) Jean-Philippe Stassen auteur de bandes dessinées se déroulant au Rwanda et au Kivu (« Déogratias ») l’écrivain français Jean Rolin (« la tentation de la durite », « Ormuz ») et son éditeur, Jean-Paul Hirsch, de POL, qui releva que, sur l’autre rive du fleuve, le Congo Brazzaville, moins de dix millions d’habitants importe à lui seul autant d’ouvrages que l’immense République démocratique du Congo ! De nombreux auteurs de bandes dessinées (Tom Tirabosco, Hippolite) dialoguèrent avec leurs homologues congolais Tembo Kash ou Assimba Bathy. Il apparut qu’en matière de littérature comme de BD, le Congo connaît lui aussi la querelle des « anciens » et des « modernes », des auteurs établis qui estiment avoir le monopole de la critique voire de la dérision et supportent mal que des nouveaux venus, voire des étrangers donnent de leur pays une image jugés systématiquement négative…Mais au bout de cette semaine de séminaires sur l’édition, la diffusion des livres et surtout, à la fin de multiples débats ou entretiens sur l’écriture elle-même, deux évidences réconfortantes se sont dégagées. La première, c’est que le Congo, terre de musiciens, de sculpteurs, de danseurs et autres rappeurs est aussi une terre d’écrivains : même si les tirages demeurent confidentiels, le Congo-Kinshasa détient le record des maisons d’édition au sud du Sahara, qui accueillent chaque année des dizaines de manuscrits. Reste à faire le lien entre les écrivains, les éditeurs, nationaux et étrangers, et les circuits de distribution, encore artisanaux, (les vendeurs de rue auraient mérité d’être invités…)largement insuffisants et peu encouragés par les pouvoirs publics qui les accablent de taxes, légales ou non.
Une autre certitude, c’est que le pays compte non seulement des passionnés de l’écriture, mais aussi un public réceptif, qui n’hésite pas, malgré les difficultés économiques, à débourser quelques dollars pour se pourvoir en livres. La librairie des Grands Lacs, qui vient de s’installer sur le Boulevard du 30 juin, en offre la preuve : créé à Bukavu où il ne cesse de s’agrandir, ce vaste espace propose de nombreux ouvrages de littérature ou de livres d’actualité et le patron, le professeur Sim Kilosho, estime que dans cette métropole de dix millions d’habitants où une classe moyenne apparaît, la masse critique de lecteurs potentiels est suffisante pour que la librairie soit rentable..
Première du genre, cette « fête du livre » (qui aurait du depuis longtemps être organisée par la francophonie, apparemment plus friande de sommets que de culture populaire) a drainé un public passionné, qui aurait pu être plus nombreux encore si les instances professionnelles de la culture, française et belge, lui avaient accordé davantage de publicité et un soutien plus actif. Comment expliquer que dans une ville comme Kinshasa, un artiste aussi doué que le « belgo congolais » Barly Baruti, qui combine la bande dessinée et la rumba, puisse se produire en concert devant un public aussi clairsemé alors que dans d’autres apparitions, il suscite les ovations ?
Une chose est certaine ; par leur initiative, les enseignants du Lycée français ont visé juste, démontrant que le Congo, le plus peuplé des pays francophones, a réellement faim de littérature et regorge de talents. Kinshasa attend déjà les rendez vous suivants !"
Colette Braeckman
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