mardi 29 juin 2010

Heureux qui


Demain, 30 juin, c'est la fête de l'indépendance cha-cha, le roi des Belges a fait le déplacement, on a inauguré une nouvelle fontaine "musicale" place de la gare, il y aura un défilé sur l'avenue Triomphale, dans la cité, on boira de la Primus cinquantenaire à 500 francs, on se souviendra peut-être de Lumumba, la mort tragique de Chebeya planera sur les festivités et cela fera 50 ans jour pour jour que le Congo belge devenait un pays indépendant.

Et moi, je prendrai la route de N'Djilli, puis l'avion pour Jozie pleine de vuvuzelas, et le lendemain, je serai de retour à la Réunion, bien content de retrouver ma petite île après une année à Kin-la-belle, une année, ma foi, particulièrement agréable.

Nartrouvé, dalons.

Lambaréné


Le chauffeur de taxi-brousse pris à Libreville nous l'a dit : "Lambaréné, c'est le coeur du Gabon." On a bien fait de décider d'y aller alors.


Très vite, les faubourgs de la capitale sont dépassés, et la route, en parfait état, s'enfonce dans la grande forêt équatoriale. Au niveau de l'équateur justement, un pygmée* entretient le panneau du passage de la ligne.


Sur le bord de la route, il y a quelques villages, quelques étals qui vendent des fruits, des trucs comme ça, et aussi des singes attachés par la queue.


Au bout de 4 heures de route (un peu moins au retour, le chauffeur était pressé), on arrive à Lambaréné, la ville du docteur Schweitzer. C'est une bourgade assez vivante, construite sur une île de l'Ogooué (et qui déborde sur ses deux rives), évidemment pleine de verdure.

Un piroguier nous promène sur le fleuve, et c'est comme dans les récits du XIXème siècle : un large fleuve qui circule en méandres au milieu de la forêt très dense, comme aux débuts du monde.

On manque de peu un accident avec un hippopotame qui fait surface juste devant la barque, on voit des pélicans perchés sur des arbres, un petit crocodile qui somnole sur une branche, et on atteint un grand hôtel désaffecté, perdu sur une île d'un des nombreux lacs du coin.
Peut-être n'a-t-il jamais vraiment fonctionné ce bel hôtel sur une île de l'Ogooué, mais tout est prêt pour recevoir des touristes : une île en face censée accueillir des gorilles (dont on apprend qu'ils ont finalement été transférés à Franceville), une piscine qu'il faudrait nettoyer, des bungalows dont il faudrait dégager l'entrée tant la végétation a poussé.


Le lendemain, on va quand même rendre visite à l'hôpital du docteur Schweitzer. Une partie du lieu est récente et reçoit toujours les malades, l'autre partie, plus ancienne, se constitue en village et ne semble pas avoir tellement changé depuis la mort du bon docteur. Il y a un pélican dans une cage, et le fleuve en contre-bas.



*oui, il y a une anecdote avec le pygmée de l'équateur, mais je ne peux pas la raconter ici.

lundi 28 juin 2010

Discours du 30 juin

Patrice Emery Lumumba, Palais de la Nation, Léopoldville, le 30 juin 1960.



A vous tous, mes amis qui avez lutté sans relâche à nos côtés, je vous demande de faire de ce 30 juin 1960 une date illustre que vous garderez ineffaçablement gravée dans vos cours, une date dont vous enseignerez avec fierté la signification à vos enfants, pour que ceux-ci à leur tour fassent connaître à leurs fils et à leurs petits-fils l'histoire glorieuse de notre lutte pour la libertés.

Car cette indépendance du Congo, si elle est proclamée aujourd'hui dans l'entente avec la Belgique, pays ami avec qui nous traitons d'égal à égal, nul Congolais digne de ce nom ne pourra jamais oublier cependant que c'est par la lutte qu'elle a été conquise, une lutte de tous les jours, une lutte ardente et idéaliste, une lutte dans laquelle nous n'avons ménagé ni nos forces, ni nos privations, ni nos souffrances, ni notre sang. C'est une lutte qui fut de larmes, de feu et de sang, nous en sommes fiers jusqu'au plus profond de nous-mêmes, car ce fut une lutte noble et juste, une lutte indispensable pour mettre fin à l'humiliant esclavage, qui nous était imposé par la force.

Ce que fut notre sort en 80 ans de régime colonialiste, nos blessures sont trop fraîches et trop douloureuses encore pour que nous puissions les chasser de notre mémoire.

Nous avons connu le travail harassant exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient ni de manger à notre faim, ni de nous vêtir ou de nous loger décemment, ni d'élever nos enfants comme des êtres chers. Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des nègres. Qui oubliera qu'à un noir on disait « Tu », non certes comme à un ami, mais parce que le « Vous » honorable était réservé aux seuls blancs ?

Nous avons connu nos terres spoliées au nom de textes prétendument légaux, qui ne faisaient que reconnaître le droit du plus fort, nous avons connu que la loi n'était jamais la même, selon qu'il s'agissait d'un blanc ou d'un noir, accommodante pour les uns, cruelle et inhumaine Pour les autres. Nous avons connu les souffrances atroces des relégués pour opinions politiques ou, croyances religieuses : exilés dans leur propre patrie, leur sort était vraiment pire que la mort même. Nous avons connu qu'il y avait dans les villes des maisons magnifiques pour les blancs et des paillotes croulantes pour les noirs : qu'un noir n'était admis ni dans les cinémas, ni dans les restaurants, ni dans les magasins dits européens, qu'un noir voyageait à même la coque des péniches au pied du blanc dans sa cabine de luxe.

Qui oubliera, enfin, les fusillades où périrent tant de nos frères, ou les cachots où furent brutalement jetés ceux qui ne voulaient pas se soumettre à un régime d'injustice ?

Tout cela, mes frères, nous en avons profondément souffert, mais tout cela aussi, nous, que le vote de vos représentants élus a agréés pour diriger notre cher pays, nous qui avons souffert dans notre corps et dans notre cour de l'oppression colonialiste, nous vous le disons, tout cela est désormais fini.

La République du Congo a été proclamée et notre cher pays est maintenant entre les mains de ses propres enfants.

voir l'excellent article de Colette Braeckman sur l'indépendance du Congo.

vendredi 25 juin 2010

Retour du Gabon


Libreville, deuxième ville d'Afrique la plus chère (après Luanda) en Une du canard local. On veut bien le croire mais on a quand même des doutes.


Mais c'est certain, Libreville, c'est plutôt une ville de riches : il y a du bitume sur les routes, des feux de circulation qui fonctionnent (et qui sont respectés), des grandes surfaces "comme en France", une librairie à peu près digne de ce nom, plein de restaurants, un centre-ville paisible à défaut d'être coquet, où l'on se balade tranquillement.

C'est peut-être cette tranquillité qui constitue le principal défaut de la capitale gabonaise, car malgré la présence massive d'immigrés de toute l'Afrique, on ne peut pas dire que la ville trépide : le seul Bandal - qui doit bien avoir le même nombre d'habitants que Libreville - est à peu près 100 fois plus animé la nuit tombée.
Ne faisons pas complétement notre tête de con : Libreville est une ville très agréable à vivre, parce que justement elle est reposante, et puis il y a la plage en face, et un intérieur recouvert de forêts et traversé de fleuves absolument magnifique.

jeudi 24 juin 2010

Benda Bilili ! le film

Projection hier soir, en plein air, sur le terrain communal de Bandal, de "Benda Bilili !" le film de Florent de la Tullaye et Renaud Barret.

Il y a 5 ans, les deux gars de la Belle Kinoise, qui filmaient les musiques urbaines de Kinshasa (cf "Jupiter's dance" dont j'ai parlé), rencontrent un groupe de musique improbable, composé de mendiants handicapés sur leurs voiturettes, qui tapent le boeuf dans les jardins du zoo de Kin. C'est une véritable révélation, et les deux français décident de tout mettre en oeuvre pour les aider à enregistrer un disque.
"Benda Bilili !" raconte ça, l'itinéraire de freaks depuis les cartons du zoo aux tournées triomphales en Europe (premier champagne, premières neiges, premier avion etc), mais plus encore : ils montrent une ville, Kinshasa, absolument incroyable, dure, violente, d'une énergie et d'une poésie folles.

La projection en plein Bandal - comme en concurrence d'un match de foot retransmis non loin, lui aussi en plein air - était tout à fait passionnante, parce que devant un public qui avait pu côtoyer le Staff à l'époque où ils dormaient dans un asile du quartier, et parce que d'une certaine manière, cet invraisemblable conte de fée urbain ne peut que susciter des échos au sein d'une population de la cité à peine mieux lotie que les poliomyélites musiciens.

Je ne peux que vous encourager très très vivement à aller voir ce film génial, drôle et touchant lors de sa sortie française en septembre (bien sûr, vous n'aurez pas ma chance d'avoir à côté de vous un shégué du nom de Bienvenu qui lit à voix haute tous les sous-titres du film pour s'assurer que les traductions lingala/français sont exactes).
Benda Bilili, le film : très très fort !

Indépendance cha cha

Le 30 juin, le Congo fêtera le cinquantenaire de son indépendance.



Indépendance cha-cha tozuwi ye !
Oh Kimpwanza cha-cha tubakidi
Oh Table Ronde cha-cha ba gagner o !
Oh Lipanda cha-cha tozuwi ye !