dimanche 30 octobre 2011

Saint-Brüno


Brüno a été sacré "Grand prix de l'Affiche" du festival Quai des bulles de Saint-Malo !
Ausgezeichnet ! Wunderbar ! Alles Klar, Herr Komissar !
Je suis très content.

samedi 29 octobre 2011

Au coeur de ce pays



Alors, je me balade dans les rues boueuses, je vais voir l'ONATRA et je discute avec les mamans qui se préparent à la longue descente du fleuve en barge, et j'admire les grues qui ne déchargent plus grand chose. D'ailleurs, la majeure partie du port fluvial est occupée par les bureaux de la MONUSCo.









Je traverse le fleuve pour visiter une gare de la SNCC qui n'est pas abandonnée malgré les apparences (visite encadrée par un improbable "directeur du marketing" et un tout autant improbable "commissaire de la police ferroviaire") : ici, parfois, un train de voyageurs part pour les villages, un autre transporte des grumes qu'on chargera sur les barges.









Le soir, avec Romain, nous essayons les trois restaurants européens de la ville dont le Palm Beach, rêvant sans doute d'une ambiance californienne sous l'Equateur, et c'est la déprime totale au bord d'une piscine verte, dans un restaurant absolument désert (mais la Primus et la bouffe sont bonnes).

Un autre soir, nous décidons d'aller au Sun City, mais les motos-taxis s'égarent dans de lointains faubourgs boueux et nous amènent dans un dancing racaille de la ville (qui ne manque pas de charme, évidemment), où des couples dansent langoureusement, tandis qu'à l'extérieur, des jeunes, surexcités - et visiblement pris de boisson -, font des rodéos en mobylette dans la gadoue de l'"avenue".
Enfin, nous découvrons "l'Espace Primus", autre dancing, de centre-ville celui-là, où ça danse le Ndombolo comme à Kin.



Romain vient de prendre son poste à l'Afraco (l'Alliance français de Kisangani, où je viens donner mes cours), et c'est un beau bâtiment, ancien centre culturel, avec une bibliothèque vieillissante mais fournie et une salle de spectacle très jolie (et désuète) où nous assistons à un grand concert de rap (soit les 50 rappeurs de la ville qui se retrouvent, avec leur casquette à l'envers tout comme il faut, pour crier leur révolte - et faire un peu de ndombolo aussi, parce que c'est le Congo quand même).



Dans l'avion russe de la MONUSCo, il y a des soldats uruguayens, bengalis et sud-africains, des personnels de l'ONU, ou d'ONG qui parlent exclusivement anglais, et quelques Congolais évidemment, qui sont les seuls avec qui je peux blaguer. Tout est bien organisé, la soldatesque se met ensemble, les internationaux parlent anglais entre eux, et les quelques Congolais et l'unique Français se regroupent au fond de l'appareil pour faire des commentaires ironiques en français.
On survole la forêt, le fleuve, c'est à couper le souffle, et on fait escale à Mbandaka : c'est là que je voudrais aller la prochaine fois.

vendredi 28 octobre 2011

A la courbe du fleuve


Kisangani est l'une des plus belles villes du Congo, c'est à peu près sûr.
Je m'imagine que c'est la ville de "Coup de torchon" - si le film avait été tourné en Afrique centrale - mais 60 ans après. En fait, c'est plus vraisemblablement la ville "à la courbe du fleuve" de Naipaul.


Les rues sont boueuses, bordées de maisons des années 50 complétement délabrées, il n'y a pas ou peu de voitures, seulement des myriades de petites motos indiennes ou de vélos-taxis, et l'éclairage public y est à peu près inexistant, mais le fleuve coule et apaise tout.













Kisangani garde les traces d'un passé qu'on imagine prestigieux, et le centre-ville survit autour de quelques lieux qui ont été les pôles d'attraction de la bourgeoisie boyomaise et expatriée.
On y trouve un cercle héllénique, avec son église orthodoxe, encore tenu par deux Grecs (les derniers de la ville, j'imagine), et une poignée d'hôtels.


L'hôtel Kisangani (ex Stanley) est un magnifique bâtiment, avec une salle de spectacle et un jardin luxuriant, mais les chambres sentent le moisi et n'ont pas dû être repeintes depuis la prise de pouvoir par Mobutu, les robinets ont disparu des salles de bain, la ventilation - je ne parle évidemment pas de climatisation -est un luxe pour les chambres les plus chères, et l'électricité est en option.

L'hôtel des chutes ne ressemble plus à rien d'hôtelier, mais continue à avoir de la gueule (cassée) au carrefour.

Ici commence le Congo

Kisangani, province orientale.


Ici commence le fleuve Congo qui s'appellait encore, quelques mètres en amont, la rivière Lualaba. Les Stanley Falls (que je préfère désormais appeler - comme les habitants - "chutes boyoma" ou "chutes wagenia") séparent le cours d'eau en deux entités distinctes, sans que l'on sache s'il s'agit d'une convention ou d'une subtile réalité hydrographique.
Les pêcheurs wagénia y construisent d'habiles dentelles de bois bardées de nasses géantes pour y capturer les poissons du fleuve (ou de la rivière, ça dépend donc).





Ici commence le Congo, parce qu'ici Stanley fonda une station (qui deviendra Stanleyville), qu'il confia à Tippo-Tip, le grand esclavagiste arabo-swahili, avant de continuer vers l'Ouest et d'atteindre la fin du bief navigable, c'est à dire Kinshasa.


Mais à visiter Kisangani, on finit par se demander si ce n'est pas ici que finit le Congo : troisième ville du pays, de peut-être un million d'habitants, qui ressemble à une bourgade de province ; cité au coeur du pays, trois fois martyre, où les troupes ougandaises et rwandaises s'affrontèrent il y a à peine plus de 10 ans, où le RCD massacra allègrement les civils ; capitale d'une province immense, et sans doute immensément oubliée par le pouvoir central...


Au milieu de cette ville délabrée, déclassée, défoncée, trône le Congo Palace, immense hôtel de luxe à l'abandon : la métaphore est facile mais assez efficace (voir ce reportage).