samedi 28 avril 2012

Cimetière de la Gombe


Bordant le boulevard du 30 juin, le cimetière de la Gombe m'était surtout connu pour la grande fête annuelle des sapeurs qui s'y tient tous les 10 février, à la date anniversaire de la mort de Nyarkos (l'un des pères spirituels de la sapologie).
C'est, dit-on, un joyeux bazar durant lequel des dizaines de sapeurs des deux capitales congolaises se retrouvent pour fêter, à leur manière excentrique, la "journée de la Sape". On escalade les tombes, on parade entre les croix, on boit de l'alcool allongé sur une pierre tombale, on y fume, on y chante, bref on fiche un sacré foutoir, auquel participent à leur façon quelques flics kinois censés contrôler la direction des opérations.
Chaque 10 février, j'oublie de m'y rendre, et c'est donc hors-saison sapologique, que je l'ai visité.

Le cimetière de la Gombe n'est pas à proprement parler d'une grande beauté architecturale (je ne sais pas si on parle d'architecture pour les cimetières). En tout cas, ce n'est ni l'esthétique hausmano-romantique du Père Lachaise, ni le gothique portugais du cimetière de Luanda. C'est juste une sorte de désordre de tombes noyées dans la végétation.


S'il y a eu des allées dans ce cimetière, elles ont depuis longtemps disparu dans le chaos des croix et des pierres tombales, et personne ne semble se soucier de ne serait-ce que débroussailler quelques sentiers pour circuler entre les morts. Tout semble à l'abandon, même les tombes les plus récentes, et il faut grimper sur les dalles, se battre contre les mauvaises herbes, rebrousser chemin régulièrement, réfléchir longuement à des itinéraires biscornus si on veut avancer dans ce fatras de croix et de végétation. Et pourtant ce désordre mortuaire n'est pas sans charme - à condition d'éviter soigneusement les gardiens, prompts à monnayer leur absence.

A la sortie, couvert de transpiration et d'herbes sauvages, j'ai fait un tour au Golf qui jouxte le cimetière : l'ambiance n'y est guère plus animée, mais c'est comme une oasis de paix et de sérénité au milieu de l'agitation continuelle de Kinshasa. Ce serait aussi un chouette lieu de rendez-vous pour les sapeurs.



mardi 24 avril 2012

Premier tour à Kinshasa

Résultats des votes du premier tour de l'élection présidentielle à l'ambassade de France en RDC :

1389 inscrits
502 votants
498 exprimés
4 annulés

Hollande : 192 voix (38,6%)
Sarkozy : 165 voix (33,1%)
Mélenchon : 43 voix (8,6%)
Le Pen : 42 voix (8,4%)
Bayrou : 36 voix (6,2%)
Joly : 15 voix (3%)
Dupont-Aignan : 4 voix (0,8%)
Cheminade : 1 voix (0,2%)
Poutou et Arthaud, zéro voix.

Gît-le-coeur


"Le Regard Moderne" est un fantasme de librairie. On voudrait qu'elles soient toutes comme elle, que les fnac et les virgin soient rasés, engloutis par un tsunami, un tremblement de terre.
"Le Regard Moderne" dit merde au numérique, au livre numérique, aux bd umériques, aux journaux de bd numériques (mais il faudra que je revienne préciser mes attaques).
Vous pouvez lire cet article pas mal sur le taulier, Jacques Noël, ici.

lundi 23 avril 2012

Kinshasa is calling

Viva Riva ! de Djo Munga est un vrai film de genre : du sang, des larmes, de la sueur, du sexe, et beaucoup d'humour. Mais Viva Riva ! est surtout un film congolais qui parle de Kinshasa (à la manière d'un film noir), et rien que pour ça, ça vaut le coup.
Et puis, il faut le dire, souvent les films africains sont un peu chiants, didactiques, lents, mal foutus, avec des problématiques un peu vieillottes, campagnardes quoi... Or Viva Riva ! est tout le contraire : ça bastonne, ça baise, ça speede, c'est rigolard, sans message apparent, tout au premier degré (mais un peu plus quand même, premier degré et demi, on va dire) et du coup, c'est assez réjouissant. Et puis, il y a Kinshasa.
Le film sort au cinéma ces temps-ci, il faut aller le voir.
Article de Libé ici.

dimanche 22 avril 2012

A voté


Chancellerie de l'ambassade de France en RDC.
1300 inscrits.
J'ai voté 3 fois (j'avais deux procurations).

mercredi 18 avril 2012

Cyclone la Peste : nouvelles couleurs


C'est ce vieux Gregoire, margouillat historique, qui est aux couleurs cette fois, en remplacement de Téhem qui s'occupe d'un groom.
Les nouvelles couleurs de la couv insistent sur le nuage cyclonique. Pas mal, non ?

Crumb à Paris

Pour ceusse qui vivent en Zoreillie, il y a une expo Crumb au Musée d'Art Moderne de Paris.

On peut y voir ce dessin :


inspiré de cette photo (Serena Williams si vous savez pas) :

Arnaque à Addis


Le type m'aborde alors que je déambule sur Meskal Flowers. Il s'appelle Salomon, il bosse à l'hôtel d'où je sors, il est plutôt sympa, on cause de l'Ethiopie, de l'Afrique de Kinshasa. J'ai du bol, il me dit, aujourd'hui, c'est l'anniversaire de la mort du roi (je n'ose pas demander lequel, je suppose qu'il s'agit d'Hailé Selassié), et il y a plein de festivités en son honneur. Tiens, ça ne me dit pas d'aller voir des danses traditionnelles ? Justement y a un truc pas loin. Je dis pourquoi pas, après tout, j'ai mon dimanche à tuer puisque Nico D. ne se manifeste pas (enfin, c'est surtout que j'ai perdu son numéro de téléphone).
On marche assez longtemps, toujours en devisant agréablement, puis on arrive à une sorte de venelle mal pavée qui monte vers une zone de bidonvilles. Derrière un portail en fer, il y a une petite cour aux murs tapissés de bois, à gauche, derrière un rideau, une petite salle où deux-trois Ethiopiens boivent des coups, mais c'est à droite qu'on va, dans une salle fermée, où une petite dizaines de jeunes filles mal déguisées en danseuses traditionnelles nous attendent.
On s’assoit dans une sorte de canapé, les filles se dandinent gauchement, je ne sais pas trop quoi dire, j'applaudis mollement, je paie un verre à Salomon qui me dit qu'il s'agit d'étudiantes qui font ça exceptionnellement aujourd'hui. Je suppose que la piètre qualité de la prestation s'explique par son caractère fondamentalement amateur.
Ensuite, quelques filles viennent chacune leur tour discuter avec moi. J'essaie d'en savoir un peu plus sur leurs études (marketing, design...) mais ça n'a pas l'air de trop leur dire de parler de leurs études.
Je sens confusément que ces jeunes filles ne sont pas exactement des étudiantes, et qu'en fait de fête traditionnelle, je suis plutôt dans une sorte de boxon un peu pourri. Les filles me demandent de leur payer à boire. Bon, ok, je me dis, après tout, je vais me casser dans quelques minutes, je ne vais pas faire le chien.
Tout le monde a désormais une bouteille à la main, la musique éthiopienne a cessé, les filles préfèrent mettre de la "Congo music" (comprendre : du ndombolo), et je commence sérieusement à me faire chier, en plus de déprimer un peu. Je dis merci - merci Salomon, merci les filles, c'était great, mais là, je dois y aller. Allez hop, j'interpelle le taulier, je paie et je me casse.
On me présente la note, c'est quelque chose comme 15 000 birrs. Ok, je viens de changer 50 dollars, je paie rubis sur l'ongle, à part que je me perds un peu dans le change dollars/birrs, heureusement Salomon est là, il chope mes biftons et les compte, et me dit voilà, la balance est de 10 000 birrs. Ok, j'attends donc la monnaie. Ah non, c'est pas eux qui me doivent 10 000 birrs, c'est moi qui les dois encore.
Soudain je comprends l'arnaque. Je bafouille un peu, quoi, c'est quoi ce truc, je vais pas payer quelque chose comme 100 euros pour deux bières et 6 pschits orange, ça va pas non ? Le taulier me dit, si, il faudra bien, est-ce que j'ai des garanties, une montre, un téléphone, en attendant que je revienne payer le reste ?
J'ai pas de garanties, je suis diplomate monsieur, et je vais appeler les flics, vous allez voir ça, putain, je viens de Kinshasa moi, je me fais pas avoir comme ça.
Je dis tout ça en broken english tout en sortant du bouge, je suis ulcéré, pas tant après ces escrocs qu'après moi-même : tout depuis le début puait l'arnaque de base pour touristes, et je me suis fait avoir comme un bleu, tu parles d'un habitué des grandes métropoles africaines.
Je marche dans la rue en fulminant, j'envoie chier un mec qui veut me taxer une clope, et d'ailleurs, j'en ai plus de clopes, je vais en acheter à la boutique du coin. Manque de bol, la réalité de ma situation me revient dans la gueule, j'ai plus un radis puisque les malfrats du bar à putes m'ont tout piqué.
J'enrage, je suis au milieu de la ville, je ne sais même pas où, j'ai plus un centime en poche, et pas une clope à fumer.
Je fais demi-tour, je retrouve la venelle pavée, la porte en fer, je tambourine, le taulier m'ouvre complétement estomaqué, je lui gueule dessus : give me back my money to buy cigarettes ! I dont have any cigarettes because you've stolen all my money, give me back my money !
Un grand type, très maigre, assez vieux, avec une gueule coupée au couteau se lève, il vient vers moi, il me dit easy easy, we're all human beings, et me file des biftons. Je dis un peu calmé mais pas trop "Even in Kinshasa they dont do that, even in Kinshasa !" et j'ajoute "Languet ton momon".
Puis je pars acheter mes clopes.
Ca va un peu mieux après, j'ai mes clopes, un vieux monsieur très digne qui parle français (il me dit qu'il a étudié à Rouen, il y a des années de cela) me met sur le chemin de l'hôtel. Quand j'y arrive, je dis à la réceptionniste que je me suis fait arnaquer par Salomon qui travaille chez eux. Elle est étonnée, me demande si je suis sûr que c'est bien Salomon, et me montre une photo de Salomon, et je dis oui, c'est lui, ce fils de chamelle qui m'a volé mes 50 dollars (moins le prix d'un paquet de clopes).

Après, Nico D réapparait, m'amène chez lui, il y a plusieurs personnes qui sont là, dans son magnifique jardin (dont Matt ex kinois), on broute du Khat, on parle de tout et de rien, c'est sympa, je raconte mon histoire, ça les fait rire, il parait que c'est un classique de l'arnaque à Addis.

Plusieurs jours après, un type de l'hôtel vient me voir et me demande si je le reconnais. Je dis non, mais je sais ce qu'il va me dire : il s'appelle Salomon, et j'ai dit à la direction qu'il organisait des arnaques. Je suis un peu emmerdé, ce type ressemble *un peu* à mon Salomon, mais ça n'a pas trop l'air d'être lui. Le vrai Salomon m'explique que je l'ai mis dans la merde, qu'il risque de perdre sa place avec cette histoire, et qu'il faut que je dise au chef de la sécurité que ce n'est pas lui, mais quelqu'un d'autre qui s'est fait passer pour lui. Le voilà, le chef de la sécurité, costard cravate, il me dit "Alors c'est lui ?". Je dis que je ne crois pas. Ils me proposent de retrouver le lieu du crime et qu'on y aillent ensemble. Je dis ok (j'ai envie de dire oh oui, chouette, ça va être très excitant, mais je me retiens).
La bagnole de l'hôtel se gare en face de la venelle pavée. Il fait nuit, on regarde en cachette le portail en fer. On se croirait dans un film de gangsters, tout le monde est très tendu. "Tu es sûr que c'est ici" me dit le chef de la sécurité, je dis oui, sûr. Surtout qu'une jeune fille vient de sortir et que je reconnais l'étudiante en design. Bon, on y va, je demande. Les deux mecs de l'hôtel sont moyennement chauds, mais disent ok quand même.
Je pousse le portail, la cour est vide. Le grand type maigre à la gueule coupée au couteau sort de derrière le rideau. Il me voit. Il blêmit. Il doit se demander ce que je fous là.
Je lui dis "Vous me reconnaissez ?", il dit "Non, je viens d'arriver de province". Il regarde les deux mecs de l'hôtel derrière moi (qui ne piperont mot pendant toute la rencontre), il est très nerveux, très très nerveux, il leur dit des trucs en amharique puis repasse à l'anglais avec moi.
J'essaie vaguement de dire haha on fait moins le malin maintenant que je suis venu avec mes potes de la sécurité, mais en fait je me contente de lui dire, voilà, je voulais montrer l'endroit à ces personnes. Le grand maigre est si nerveux que je me demande s'il ne va pas sortir un couteau. Il me dit qu'il ne voit pas de quoi je parle.
Il n'y a pas grand chose à faire, le type nie, il est sans doute pas prêt à se jeter à mes pieds en pleurant et en criant pardon pardon mi fra pli, les deux mecs de la sécurité sont très mal à l'aise, sans doute parce qu'on est en plein dans un coin de malfrats et qu'ils n'ont pas envie de se faire suriner, et moi, gros couillon qui ne connais rien à rien de cette ville et de ce quartier, je me rends compte qu'il vaut mieux se casser maintenant.
En partant, le grand maigre à la gueule coupée au couteau me dit "Bon voyage" en français dans le texte. Je me retourne, et je lui dis "comment vous savez que je parle français si c'est la première fois que vous me voyez ?".

Après, on est dans la voiture, le vrai Salomon, le chef de la sécurité de l'hôtel et moi. Ils me disent qu'ils vont signaler toute l'histoire à la police, et qu'ils sont désolés. Je dis qu'il n'y a pas de quoi, que j'ai payé 50 dollars un petit frisson éthiopien, ça me va.

dimanche 8 avril 2012