jeudi 15 août 2013

Jacques Vergès, un roman

"Pépé Maurice" racontait cette anecdote : dans les années 30, Maurice était chef d'un petit poste militaire perdu au Cambodge (comme pour beaucoup de petits créoles blancs, l'armée coloniale était l'une des rares carrières accessibles et socialement valorisantes). Un jour, un de ses tirailleurs sénégalais vient le voir et lui dit : "Chef, il y a quelqu'un de chez toi qui fout la merde". Maurice va voir de quoi il s'agit et rencontre Raymond Vergès, médecin en extrême orient, visiblement fouteur de merde, mais surtout réunionnais comme lui. Bon sang ne saurait mentir, Maurice organise son exfiltration d'Indochine en cachant Raymond dans un cercueil.
Je ne sais pas ce que vaut cette anecdote, mais son aspect profondément romanesque (même tintinesque) me plait beaucoup. J'aime l'idée que deux créoles perdus en Asie, avec des convictions vraisemblablement opposées (Maurice était profondément de droite, Raymond non), se retrouvent et que l'un aide l'autre par pure solidarité insulaire.
La vie des Vergès a toujours été romanesque, pleine de zones d'ombre, de mensonges, de légendes, d'enjolivements de la réalité. Jacques Vergès, par exemple, racontait son enfance difficile à la Réunion, alors même que, fils de médecin, élève au lycée Leconte de Lisle, il appartenait à la toute petite minorité extrêmement favorisée de l'île.
J'aime par dessus tout cette période du lycée Leconte de Lisle, où dans la même classe se retrouvaient les deux frères Vergès, Raymond Barre, Auguste Legros, Albert Ramassamy (qu'on appelait de manière assez méprisante "Massalé"). C'est à cette époque que le Léopard, navire des FFNL, vient libérer l'île. Les frères Vergès s'engagent dans l'armée de De Gaulle, et le roman familial peut commencer.
Pour Jacques, l'histoire s'arrête aujourd'hui.


1 commentaire:

Li-An a dit…

Difficile de l'aimer - j'ai assisté à une conférence en pleine cavale de son neveu où il se révélait un antidémocrate peu séduisant (sauf pour ceux que l'idée de Révolution mondiale sanglante fascine). Mais c'était un sacré personnage. Y'a plus qu'à faire la BD :-)