mardi 14 février 2012

Freddy Tsimba



Freddy a deux ateliers à Matonge (à deux pas de Victoire) : une cour entourée d'une palissade de tôle, dans laquelle, entre autres, il n'en finit plus de peaufiner une sculpture monumentale représentant une bagnole sans moteur poussée par des hommes, des femmes et des enfants, le tout en petites cuillères soudées les unes aux autres, et qui fonctionne comme une allégorie d'un pays sans moteur que tout le monde tente - en vain ? - de faire avancer ; l'autre atelier est dans une petite maison, mais c'est plus l'entrepôt des oeuvres déjà terminées, et on y voit une série d'hommes sans tête, les bras en l'air contre le mur, le froc en plastique baissé, comme récent souvenir de la zone de rétention administrative de Bruxelles où échouent les migrants malchanceux du monde entier, qu'ils soient afghans, roumains ou sculpteur congolais (victime d'un cafouillage administratif typiquement Shengen).


On peut écouter Freddy des heures durant, il a plein d'anecdotes, d'histoires invraisemblables (parce que congolaises) à raconter : comment, lors de sa période de sculptures en douilles, il s'est fait arrêter à Kisangani (pour ramassage de munitions usagées, patrimoine national de l'Est de la RDC, vraisemblablement), et incarcérer plusieurs mois avant d'être enfin libéré parce qu'il avait formé ses co-détenus à la chaudronnerie à la grande satisfaction des matons.


Freddy vit au pays de Kafka, si le pays de Kafka était au centre de l'Afrique équatoriale. Son voisin est un pasteur d'une église de réveil quelconque, et comme le courant ne passe pas entre le businessman de Dieu et l'artiste rebelle, chaque matin, des prêches enflammés le désignent comme une créature du Diable.
Le Diable, je ne sais pas trop, mais l'oeuvre de Freddy Tsimba est peut-être bien le témoignage de ce que l'Enfer sur Terre n'est pas si loin.

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